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L'étoile de Rachel

E-BookEPUBePub WasserzeichenE-Book
236 Seiten
Französisch
Books on Demanderschienen am07.11.20221. Auflage
Roman historique qui débute dans les Cévennes, au coeur de la seconde guerre et de la Résistance jusqu'à l'entrée des Justes de France au Panthéon. C'est la vie de Rachel, une petite fille Juive, au silence aussi douloureux qu'il lui fut vital...

Sylvie TOUAM est née en Vendée en 1966, et vit maintenant près de Nantes où elle partage son temps entre sa famille, son métier d'enseignante et l'écriture. Elle a déjà publié quinze recueils de poésie et signe là son troisième roman.
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Verfügbare Formate
BuchKartoniert, Paperback
EUR15,30
E-BookEPUBePub WasserzeichenE-Book
EUR4,99

Produkt

KlappentextRoman historique qui débute dans les Cévennes, au coeur de la seconde guerre et de la Résistance jusqu'à l'entrée des Justes de France au Panthéon. C'est la vie de Rachel, une petite fille Juive, au silence aussi douloureux qu'il lui fut vital...

Sylvie TOUAM est née en Vendée en 1966, et vit maintenant près de Nantes où elle partage son temps entre sa famille, son métier d'enseignante et l'écriture. Elle a déjà publié quinze recueils de poésie et signe là son troisième roman.
Details
Weitere ISBN/GTIN9782322498741
ProduktartE-Book
EinbandartE-Book
FormatEPUB
Format HinweisePub Wasserzeichen
Erscheinungsjahr2022
Erscheinungsdatum07.11.2022
Auflage1. Auflage
Seiten236 Seiten
SpracheFranzösisch
Artikel-Nr.10194807
Rubriken
Genre9200

Inhalt/Kritik

Leseprobe

5
Le 26 août 42

- Sérignan, Béziers, Valras, Montpellier, Frontignan, Agde, énumérait Monsieur Suarès, complètement atterré.

Six semaines seulement après que Monsieur Jodorowsky était venu nous apprendre la terrible rafle dont nos cousins avaient été victimes, c était maintenant notre département qui était devenu le lieu de nouvelles tragédies où des hommes, femmes, et enfants Juifs étaient arrêtés et emmenés on ne savait où.

- Pareil dans le Lot et Garonne, toute la France libre a été touchée, précisa-t-il.

- Mais alors, intervint Maman, cela signifie que les Allemands ont donc franchi la ligne ?

- Ce sont les autorités de Vichy qui ont tout organisé, murmura-t-il dans un spasme qui n avait d égal que son désespoir.

« Des officiers et des gendarmes français » nous avait dit Monsieur Jodorowsky. Je me souvenais si bien du visage de mon père à cet instant. Et aujourd hui, ses yeux brillaient de cette même répugnance, mêlée au sinistre effroi de sentir ces présences si proches de notre maison.

- Ce sont des centaines de Juifs étrangers qui ont été emportés. Il paraît que certains auraient pu être mis au courant quelques jours auparavant et ont eu le temps de s enfuir vers la Suisse. Mais malheureusement, ils sont nombreux à s être fait piéger.

Lévi m a raconté, en me faisant jurer de ne pas le répéter, que son père connaissait une famille juive française de Sérignan qui lui avait dit avoir vu, dans la rue de l église, des officiers français emmener une mère et ses deux enfants qui étaient venus de Belgique se réfugier à Sérignan, après avoir traversé toute la France.

Je ne savais pas comment les Suarès étaient si bien informés. Le père nous disait même que certains policiers français avaient eux-mêmes prévenus quelques familles juives étrangères qui devaient être arrêtées.

J étais terrorisée. Même si j avais un jour entendu Papa dire qu un accord avait été passé pour protéger les Juifs français résidant en zone libre, je comprenais bien maintenant que plus rien de tout cela n allait résister. La folie des hommes était bien plus forte que leur promesse. Et d ailleurs, Raphaël avait sousentendu que tous ces accords étaient signés en échange de « faveurs » dont nous aurions très certainement honte si nous en connaissions la teneur.

Et ce ne sont, ni ma mère, ni mon père qui m ont rassurée ce soir-làâ¦

- Nous devons commencer à imaginer un plan au cas où un jour des officiers viendraient frapper à notre porte, nous dit Papa. Daniel, et toi Rachel, il faudrait que vous montiez vite au grenier, pendant que moi j ouvrirais la porte.

- Benjamin, s écria Maman ! Ne dis pas cela !

- Si, il le faut, soupira Papa. L heure est venue de regarder les choses en face. Ça ne veut pas dire que cela va arriver, mais il faut se préparer au pire pour être capable de l affronter. Demain, nous dresserons la liste de toutes mes instructions, je vous montrerai où est-ce que nous cacherons un peu d argent si toutefois il fallait vous débrouiller tout seuls. Toi Rachel, tu es la plus grande, donc tu dois bien écouter.

- Elle n a que sept ans ! s écria Maman.

- Oui, mais Daniel n en a que quatre⦠et c est la guerre, tu ne peux pas expliquer l enfance à un nazi.

C est ainsi que le lendemain, notre petite maison devient le théâtre d une scène que nous allions répéter des dizaines de fois, jusqu à ce que nous puissions la réciter sans la moindre erreur.

Il était convenu que si des gendarmes venaient tambouriner à notre porte, Papa prendrait le temps de venir ouvrir pendant que Daniel et moi monterions dans leur chambre et irions nous réfugier au grenier. Daniel, qui n avait jusque-là jamais eu le droit de prendre l échelle, en était tout émoustillé. Il fallut s y reprendre à plusieurs reprises avant de parvenir à l objectif que Papa nous avait fixé : être capables de nous cacher au grenier à partir de la cuisine avant qu il n ait le temps de compter jusqu à dix. Le rôle de Maman était ensuite de poser sur les barreaux de l échelle des vêtements pour signifier un désordre normal, et de s étendre sur le lit avec une revue. A l intérieur du grenier, nous devions nous glisser sous l étagère des vieux livres et nous asseoir au fond dans un espace que Papa allait continuer de nous aménager. Il allait aussi déposer dans l un des cartons que nous reconnaitrions deux ou trois bouteilles d eau, une boîte de sucre et des biscuits, ainsi que des cartes de pain.

- C est la carte catégorie J 1 pour Daniel car il a moins de six ans, et J 2 pour toi, m expliqua Maman qui finissait par accepter d entrer dans cette sombre conspiration. Tu sais que ça n empêche pas de payer, les cartes servent juste à rationner la quantité.

- Et je paierai comment ?

- Je vais aussi te laisser un porte-monnaie avec quelques francs. Estampillés « Etat Français : Travail, Famille, Patrie » récita ironiquement Papa, davantage cette fois-ci à l adresse de Maman. Il n y a pas que sur les pièces que la République a disparu ! Bref, demain nous referons l exercice. Il était aussi exténué que nous, tant la charge émotionnelle était importante. Allez-vous coucher maintenant !

Daniel et moi étions bien silencieux. Nous les entendions faire maariv, la prière du soir. L urgence des évènements les avait soudainement rapprochés d une forme de pratique religieuse plus traditionnelle, et cela contribuait à me faire éprouver la gravité de la situation.

- Daniel, murmurai-je encore plus bas. Demain, nous monterons la boîte en fer au grenier, avec deux étoiles dedans. Il vaut mieux garder celles du soir sous les draps et protéger celles du grenier dans la boîte.

Daniel ne répondit rien. Il se contenta d acquiescer d un léger signe de tête.

Les jours suivants, nous avons répété la scène avec d autant plus de solennité et de rigueur que les nouvelles laissaient présager des choses difficiles. Mon père était tourmenté et ma mère de plus en plus triste. Même si je ne pouvais en discerner toute l imposture, je savais bien qu il y avait autour de ce scénario comme une sorte de comédie qui n avait d autre vocation que celle de nous donner l illusion que tout allait se passer tel que nous l avions prévu. Même Daniel l avait exprimé à mon père :

- Si tu n es pas dans la maison quand les méchants viennent frapper à la porte, on monte quand même dans le grenier ?

- Oui, répondit-il, laconiquement.

- Et si maman n est pas là pour mettre des habits sur l échelle ?

Je sentis à cet instant Papa s impatienter. Si, du haut de ses quatre ans, Daniel décelait lui-même l évidente insignifiance de notre système de défense, il n avait plus aucune ressource pour nous protéger, ni de la folie des hommes, ni de la perte de notre innocence. La seule réponse que notre père trouva fut de nous demander alors de rejouer l action avec ce détail en moins. Lorsque nous avons fermé la porte du grenier, il était rendu à compter jusqu à huit, nous avions réussi. Daniel était rassuré, l imaginaire consolé. Pour ma part aussi, ressentir à nouveau cette impression d avoir prise sur la situation m apaisait, à défaut de faire véritablement barrage à l angoisse.

Et le grenier était maintenant fonctionnel pour nous mettre en sûreté. Les meubles et l étagère de livres étaient au bon endroit, et derrière, la cachette était inaccessible pour un adulte. Le carton de survie était marqué d un trait noir pour que nous le reconnaissions, inintelligible pour les autres. Tout cela, c était la résistance visible de notre père envers une sorte de malédiction qu il désavouerait coûte que coûte. Mon indiscipline à moi c était ma boite en métal, mes étoiles...
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